À part si vous n’avez pas eu le mémo, vous avez difficilement pu passer à côté de la nouvelle : c’est bientôt Halloween 🍂 . Je ne suis pas du genre à me déguiser et à me maquiller pour l’occasion mais chaque année, j’aime bien me faire un peur en regardant quelques films ou séries à l’univers un peu inquiétant voire glauque (après j’ai du mal à dormir, mais que voulez-vous, il faut croire que je suis un peu maso).
Cette année, mon dévolu s’est porté sur American Horror Story et tout particulièrement sur la saison Coven qui aborde la thématique de la sorcellerie. De fil en aiguille, j’ai eu envie d’en apprendre un peu plus sur les sorcières et de comprendre d’où venait ce personnage mystérieux que l’on retrouve dans la littérature, au cinéma, mais aussi et surtout dans l’Histoire, par exemple à travers ces fameux procès qui ont eu lieu dans de nombreux pays dans le monde entre la seconde moitié du XVe et le XVIIe siècle.
🎃 La mythe de la sorcière 🎃
Avant de vous partager quelques propositions de podcasts pour en apprendre plus sur la sorcière, j’avais envie de vous faire part de quelques éléments qui sont ressortis de ces différentes écoutes et qui méritent que l’on s’attarde un peu.
Qui étaient les sorcières ?
Une partie de celles que l’on désignait comme étant des sorcières étaient souvent des femmes guérisseuses/sage femmes/herboristes, qui vivaient à la campagne et qui soignaient les gens grâce à des connaissances poussées de la nature, du corps humain et des plantes. Ces femmes étaient fréquemment les seuls types de “médecins” auxquelles les personnes pauvres avaient accès, par manque de moyens. Petit à petit, ces femmes qui jouissaient pourtant d’un certain respect ont commencé à être considérées comme des figures dangereuses par les autorités et le corps religieux. Leur savoir sortait du cadre et n’entrait pas dans dans celui de la médecine traditionnelle et elles semblaient avoir bien trop de pouvoir. La sorcière, c’était aussi souvent des femmes vieilles, marginales, faisant montre de trop d’indépendance ou qui sortaient tout simplement des cases définies par la société (que l’on devine très patriarcale).
On a prêté aux sorcières des intentions démoniaques et une relation privilégiée avec le diable, qui leur donnait soit-disant leur(s) pouvoir(s) et qu’elles côtoyaient supposément à l’occasion de messes noires (le fameux “sabbat”) pour s’adonner à des orgies sexuelles et sacrifier des innocents. La volonté de nuire à ces prétendues sorcières a été si loin que de véritables manuels – dont le célèbre Le Marteau des sorcières : Malleus Maleficarum – ont vu le jour pour apprendre à les débusquer. Recherche de la marque du diable sur leur corps, torture (on piquait le corps pour voir si des parties du corps étaient insensibles), invention de tests à la logique discutable (les personnes soupçonnées d’être sorcières est mises à l’eau. Si elles flottaient, et donc savait nager, elle étaient sorcières, – si elles coulaient, elles étaient humaines… mais mourraient tout de même)… Des trésors d’imaginations ont été déployés pour tenter de les identifier puis de les neutraliser. En bonus ? Les personnes à l’étude (pour ne pas dire torturées) étaient “gentiment” invitées à dénoncer d’autres sorcières. Cette délation était bien entendu facilitée par les mauvais traitements infligés et la peur, compréhensible, de mourir brûlée ou pendue.
On ajoutera également qu’à cette période fort joyeuse, quiconque soupçonnant une personne de son entourage d’être une sorcière (ou un sorcier car des hommes pouvaient aussi être concernés même si les proportions n’étaient pas les mêmes et qu’ils étaient souvent condamnés par association) pouvait faire part de ces doutes. Une femme trop belle, trop intelligente, trop vieille, marginale, veuve ayant survécu à un ou plusieurs maris et n’étant plus sous tutelle, trop indépendante, ne fréquentant pas l’église, ayant aidé à mettre au monde un enfant qui se trouve être handicapé ou qui est mort né ou encore prétendument responsable d’avoir maudit les récoltes ou rendu un homme impuissant : les motifs pouvaient être nombreux pour motiver un procès.
En tout, plusieurs dizaines de milliers de “sorcières” auraient été tuées au fil des siècles. Cela englobent les personnes jugées mais aussi les personnes mortes mortes en prison avant leur procès. Un véritable féminicide à grande échelle en somme.
À quoi était due cette chasse aux sorcières ?
Les causes de ces chasses aux sorcières sont aujourd’hui encore un peu obscures. Plusieurs pistes ont été évoquées par les historiens s’étant penchés sur la question.
La chasse aux sorcières serait potentiellement le fruit d’une forme d’hystérie collective causée par un climat social difficile où la population majoritairement pauvre survivait difficilement. Certains évènements ont notamment profondément marqué les populations comme la peste qui a décimé une grande partie de la population européenne au XIVe siècle. L’envie est grande, pour la population, le pouvoir mais aussi l’Église de trouver des personnes à blâmer par rapport à ces malheurs sans explications apparentes.
D’autres pistes évoquent l’Église et sa volonté d’en finir avec des croyances païennes qui faisaient de l’ombre et nuisaient à la religion. On sait également qu’un vent de puritanisme soufflait à cette période et que l’on cherchait à tout pris à éradiquer toute trace du diable. Les femmes pauvres et sans défense étaient des cibles de choix. Beaucoup d’entre elles ne comprenaient d’ailleurs rien à ce qu’il leur arrivaient lors des procès et n’étaient pas en mesure de se défendre.
Les chasses aux sorcières, ce sont aussi des manifestations de misogynie extrême et une volonté de remettre à leur place les femmes, c’est-à-dire au plus bas de l’échelle sociale. Certaines d’entre elles, les guérisseuses, suscitaient la crainte nous l’avons vu plus haut. Il faut dire qu’elles connaissaient le corps humain et les plantes et pouvaient autant aider à donner la vie qu’aider les femmes à avorter. Pour les autorités et l’église, elles ne devaient surtout pas avoir autant de pouvoir entre les mains.
Autre aspect, qui n’est pas une cause en soi mais qui mérite que l’on s’attarde un peu : la problématique de la sexualité des sorcières. On attribuait aux sorcières une sexualité débridée (vive les orgies avec diable) et on les disait insatiables. On les accusaient aussi de voler le sexe de hommes pour en faire des sortes d’animaux de compagnie… Décidément, elles étaient vraiment la source de tous les maux de l’époque !
🎃 Quelques idées de podcasts sur les sorcières 🎃
La Poudre
On ne présente plus La Poudre, ce podcast résolument féministe animé par Lauren Bastide et qui donne la parole à des femmes de tout horizon et bien souvent remarquables. Ces dernières partagent leur histoire, leur parcours et parlent bien souvent de leurs travaux/oeuvres et de leur rapport à la féminité. Dans l’un des derniers épisodes, Lauren Bastide a donné la parole à Mona Chollet, une journaliste et essayiste qui a publié en septembre 2018 le livre Sorcières, la puissance invaincue des femmes aux éditions la Découverte. Pendant leur échange elles abordent pêle-mêle les fondements de la chasse aux sorcières et notamment la misogynie qui a partiellement motivé la chasse aux sorcières, les sorcières contemporaines, le rapport des sorcières et de la médecine, la radicalité féministe, etc. L’échange est plutôt riche et pousse à la réflexion.
Culture 2000
LSD
Ce podcast proposé par France Culture donne la parole à plusieurs intervenants (Historien, philosophe, dessinateurs, danseuses, véritable sorcière ou aspirante sorcière…) qui apportent un éclairage différent sur le mythe de la sorcière. Le podcast se découpe en 4 épisodes d’un peu moins d’une heure abordant chacun une thématique différente :
- 1/4 – La chasse aux sorcières
- 2/4 – Sorcellerie
- 3/4 – Figures de sorcières
- 4/4 – Sorcières, nature et féminismes
J’ai particulièrement aimé le premier épisode qui aborde la sorcellerie sur le plan historique et le dernier épisode qui montre comment certaines femmes se sont réappropriés ce terme et comment il s’inscrit dans certains mouvements féministes contemporains. Il y a notamment une intervention de Starhawk, une écrivaine et militante écoféministe américaine et qui se considère comme une sorcière.
Quoi de Meuf
Mélanie Wanga et Clémentine Gallot s’interrogent tour à tour sur l’histoire des sorcières, leur place dans la pop culture, leur étonnante réapparition dans l’actualité mais aussi le lien de ces figures avec le féminisme actuel (notamment aux États-Unis). C’est intéressant, plein de bonne humeur et plein de références qui vous feront sans soude sourire.
Witchcraft, par la BBC
Le podcast Witchcraft podcast là s’adresse aux personnes comprenant l’anglais. Il réunit plusieurs professeurs d’Histoire experts et se penchent sur la sorcellerie en Europe. Ils apportent des éléments de réponse sur plusieurs questions comme : Pourquoi la chausse aux sorcières (et aux sorciers ) a t-elle commencé ? Pourquoi a t-elle pris fin ? Que recouvre le terme de sorcière ?
Salades de sorcières à Salem, par Nova
Le podcast Salades de sorcières à Salem, animé par Jean-Christophe Piot, dure moins de 10 minutes et se focalise sur le célèbre épisode des procès de Salem. Il explique de manière simple et synthétique la chronologie de cette mystérieuse histoire et aborde le sort des victimes (une vingtaine).
Si vous parlez anglais et que vous souhaitez avoir encore plus de détails sur cette histoire je vous recommande vivement The Salem Witch Trials par la BBC dans lequel plusieurs historiens prennent bien le temps de planter le décor d’un point de vue historique et de présenter les protagonistes (les accusatrices comme les accusées). C’est probablement le plus intéressant que j’ai pu écouter sur le sujet.
Les sorcières à l’honneur avec Mona Chollet, par Madmoizelle
Dans ce podcast on retrouve à nouveau Mona Chollet. Elle répond aux questions de lectrices de Madmoizelle concernant le dernier livre qu’elle a publié. Les questions abordent bien entendu les différentes thématiques de son livre mais aussi les raisons qui l’ont poussée à écrire sur ce sujet. Il est à écouter en complément de l’épisode sorcière de La Poudre.
Quelques ressources pour creuser le sujet…
Si vous n’avez pas encore eu votre dose et que vous souhaitez aller plus loin dans vos recherches, voici quelques recommandations supplémentaires pour en apprendre plus sur les sorcières et les mythes qui les entourent.
Les livres et bandes dessinées sur les sorcières
- Sorcières, la puissance invaincue des femmes, de Mona Chollet. Au menu, un peu d’histoire et une réflexion sur l’indépendance et le pouvoir des femmes.
- Witch Please, Jakx Parker
- Caliban et la sorcière, un essai de Silvia Federici
- La sorcière, de Jules Michelet
- Sorcière, Christophe Chabouté (BD)
- La collection Sorcières, des éditions Cambourakis. Elle remet au gout du jour des textes américains des années 70 et plus ou moins oubliés sur la sorcellerie. Il y a notamment le texte Sorcières, sages-femmes et infirmières : une histoire des femmes soignantes, de Barbara Ehrenreich et Deirdre English qui m’intéresse tout particulièrement.
- Le dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes et Les sorcières, fiancées de Satan de Jean-Michel Sallman.
- Les sorcières de la République, de Chloé Delaume, une sorte de dystopie qui raconte l’arrivée au pouvoir du Parti du Cercle, une secte féministe qui a voulu mettre à bas la domination masculine.
- Les filles de Salem, Thomas Gilbert (BD).
Les séries TV
Outre les lectures, je vous recommande de jeter un coup d’oeil à la série Salem (disponible sur Netflix) et qui s’inspire un peu des célèbres procès dont nous avons tous entendu parler au moins une fois. La série aborde aussi la problématique de l’indépendance et de l’absence de pouvoir des femmes quant à leur vie.
À découvrir également si ce n’est pas déjà fait Coven, la saison 3 d’American Horror Story dont je parlais plut haut et Les nouvelles aventures de Sabrina sur Netflix.
Attention, ces séries son assez glauques, surtout Salem et American Horror Story. Donc si vous êtes du genre sensible, passez votre chemin !
Autre référence, mais qui a beaucoup vieilli, Charmed. Au menu, un trio de sœurs soudées qui se battent contre des démons, des effets spéciaux exceptionnels (LOL), des thèmes assez intéressants comme la maternité, l’ambition féminine, l’indépendance.
Dernière référence : Buffy, et surtout la saison où Willow devient une sorcière (et les suivantes).
Les films
- Dangereuse Alliance (The Craft), pour les adeptes des teens movies ;
- I Am Not a Witch, un film particulièrement émouvant qui raconte l’histoire d’une fille de 9 ans qui se fait chasser de son village et qui atterrit dans un village de sorcières avec des femmes accusées à tort comme elle. Ça se passe de nos jours, en Afrique.
- Sorcières, mes soeurs, un film documentaire de Camille Ducellier sur les sorcières contemporaines ;
- Les Sorcières d’Eastwick ;
- Le magicien d’Oz ;
- Kiki la petite sorcière (des studios Ghibli) ;
- Les Ensorceleuses ;
- Ma sorcière bien aimée ;
- Halloweentown ;
- Hocus Pocus.
Et vous, les sorcières c’est un sujet qui vous intéresse ? Si vous avez des ressources à partager ou des réflexions, n’hésitez pas !
Pour voir ma sélection 2019 et 2020 de podcasts qui parlent de sorcières d’hier et d’aujourd’hui c’est par là :
Evangeline dit
C'est chouette si ça t'a plu. Je suis un peu obsédée par le sujet ces derniers temps et j'avais envie de partager ça ^^
J'avais déjà publié mon article mais j'ai vu qu'un podcast Culture 2000 était sorti entre temps sur la thématique : https://pca.st/7Dmz. Il est vraiment pas mal et assez drôle par rapport aux autres.
anahaddict dit
Cet article est super complet ! J'adore 😉 Je connaissais certains podcast sans avoir pris le temps de les écouter, je vais rattraper ça !